Il y a quelque jours sur la radio RMC, la députée écologiste Sandrine Rousseau a fait une annonce pour le moins surprenante concernant le cannabis au volant. En effet, elle s’est déclarée favorable à l’introduction d’un “taux maximum, exactement comme il y a un taux maximum d’alcool pour prendre le volant, ce qui n’existe pas aujourd’hui”. Nous comprenons son intention : elle souhaite qu’un certain taux de THC (le principe actif du cannabis) soit autorisé, afin de ne pas pénaliser les consommateurs occasionnels.
Actuellement, la loi est très stricte : dès que des traces de cannabis sont détectées, le conducteur est considéré comme en infraction. Cependant, permettre un taux maximum de THC soulève de nombreuses questions. Tout d’abord, les effets du cannabis sur la conduite sont difficiles à quantifier précisément. Même à faible dose, le cannabis peut altérer les capacités de conduite. Ensuite, fixer un tel seuil enverrait un message ambigu sur la consommation de cannabis, qui reste illégale en France.
Le seuil de détection actuel pour le cannabis au volant
Regardons les seuils de détection actuels pour le THC au volant. Ils sont définis par un arrêté de 2016 toujours en vigueur :
- Le seuil minimal est de 0,5 ng/ml de sang pour le THC.
- Il est de 1,0 ng/ml pour le THC-COOH, un métabolite qui reste présent plus longtemps dans l’organisme. Ces seuils sont parmi les plus bas en Europe.
À titre de comparaison, le taux légal d’alcool au volant est généralement de 0,5 g/l de sang. On considère qu’au-delà de 1 ng/ml de THC, il y a déjà une influence certaine sur la conduite. Le moindre effet du cannabis est donc sanctionné, contrairement à l’alcool.
Les difficultés pour justifier et mettre en œuvre cette tolérance
Outre les questions de fond, cette proposition se heurte à des obstacles pratiques. Lors d’un contrôle d’alcoolémie, l’éthylomètre permet de mesurer immédiatement le taux. Pour les stupéfiants comme le cannabis, il faut faire une prise de sang et attendre les résultats du laboratoire.
Autoriser un taux maximum obligerait donc à systématiser les analyses de sang, plus coûteuses et complexes à mettre en œuvre sur le terrain. De plus, le seuil maximal devrait être défini scientifiquement, en tenant compte des nombreuses variables liées au cannabis (mode de consommation, variété, tolérance des usagers…). Une tâche complexe qui nécessiterait des études poussées.
Le contraste avec la position du gouvernement sur les délits routiers
Cette proposition semble difficilement conciliable avec la position récente du gouvernement en matière de sécurité routière. La Première ministre Elisabeth Borne a en effet annoncé vouloir suspendre le permis dès le premier contrôle positif aux stupéfiants. L’intention est de durcir les sanctions pour lutter contre l’insécurité routière, d’autant plus que les accidents mortels liés aux stupéfiants sont en augmentation constante. Autoriser un taux de THC, même faible, paraît aller à contrecourant de cet objectif. Bien que le débat sur une éventuelle tolérance mérite d’être posé, la proposition de Sandrine Rousseau semble prématurée. Avant d’envisager un seuil maximal pour le THC au volant, de nombreuses zones d’ombre restent à éclaircir par la recherche scientifique.